Valérie Bouchard s’est déjà dit étant enfant qu’elle ne travaillerait pas sur une ferme lorsqu’elle serait grande. Pourtant, la voilà aujourd’hui les deux mains dans la terre à cultiver une cinquantaine de variétés de légumes et des plantes succulentes entourée de ses quelques poules. Immersion dans le parcours de cette agricultrice entrepreneure marginale qui tient la grelinette du potager qui porte son nom.
Les aïeuls de Valérie ont défriché la terre de Saint-Augustin au Lac-Saint-Jean, ses grands-parents y tenaient une ferme de subsistance et ses parents, avec la Ferme Nicole et Yves Bouchard, ont changé cette vocation, d’abord en ferme laitière puis en bleuetière, culture fourragère et forestière. C’est donc dans cet environnement agricole et en participant au train quotidien de la ferme que Valérie a grandi. Si elle a déjà déclaré qu’elle ne souhaitait pas suivre cette vocation, c’est qu’elle trouvait que la charge de travail qui y était rattachée était colossale. Un été, en raison d’une blessure aux genoux, sa mère laissa tomber le petit jardin familial. C’est à ce moment que le déclic s’est produit pour Valérie. Alors âgée de 12 ans, elle trouvait inconcevable de ne pas aller « piocher dans le jardin » raconte-t-elle, pour s’approvisionner en légumes frais. Pour elle « les minis carottes javellisées et celles de pays lointains étaient tellement moins sucrées et goûteuses » qu’elle prit la responsabilité du potager. Elle développe aujourd’hui son entreprise en empruntant un petit lopin de ce territoire empreint de souvenirs d’enfance.
« À Saint-Augustin, c’est tout petit, mais on voit loin et on voit haut, il y a les champs et les étoiles. En ville j’aurais l’impression d’être dans une boîte à chaussure. Il y a tout ce qu’il faut ici au grand air. Ma pensée du fardeau, de l’ampleur de la tâche que j’avais quand j’étais jeune, s’est transformée en liberté de vivre un mode de vie en harmonie avec mes valeurs. »
Valérie œuvre maintenant comme maraîchère depuis près de 6 ans. Au départ, c’est la notion d’autonomie alimentaire au niveau personnel qui la guidait et, petit à petit, elle augmentait son rendement avec la volonté de nourrir les communautés des villages environnants. Tout ça après avoir suivi une formation en aménagement paysager, puis en horticulture et jardinerie ainsi qu’en lancement d’entreprise. Un parcours académique qui lui a appris beaucoup, mais qui l’a aussi motivée à suivre sa propre voix, celle qui lui dictait d’œuvrer avec un profond respect de la nature : la permaculture. Officiellement, l’entreprise en est à une seule saison d’opération et la propriétaire souhaite que son projet demeure à échelle humaine, avec le moins d’intervention possible sur sa terre. Elle n’utilise ni engrais chimique ni machinerie pour arriver à cultiver une variété impressionnante de légumes : carottes, choux, tomates, poivrons, brocolis, choux-fleurs et bien d’autres sont au rendez-vous. Elle mise également sur des cultures moins communes comme le chou-rave, le pâtisson et les tomates noires. C’est toujours un plaisir pour l’agricultrice de proposer cette diversité au kiosque libre-service de sa ferme, dans les paniers hebdomadaires ou aux deux marchés où elle se rend chaque semaine pendant la belle saison. Elle personnalise même son service en y ajoutant de petites notes avec des conseils pour bien apprêter et valoriser les produits moins connus. Cela permet la découverte et évite que le produit ne reste dans le tiroir du frigo.
« Le contact humain demeure la meilleure façon de valoriser mes produits, en plus ma clientèle est fidèle et curieuse. Certains m’attendent même dans le stationnement à mon arrivée pour mettre la main sur les produits plus limités. »
Si les nombreuses escapades autour du monde que Valérie a réalisées au cours de sa vie lui ont beaucoup apportée, elle partage aujourd’hui son savoir-faire avec des voyageurs de partout venus donner un coup de main en échange du gîte et du couvert. Un petit chalet a même été aménagé pour ces « woofers» et les adeptes de «van life» sont aussi les bienvenus sur le terrain. De nombreux collaborateurs locaux se greffent également à l’entrepreneure. En travaillant à la ferme, ils accumulent des points à échanger contre des produits maraîchers. Toujours avec la volonté de transmettre ses connaissances, elle a même livré une activité à l’école du village pour initier les plus jeunes au jardinage. Ce partage est essentiel pour l’entrepreneure qui n’a pas les moyens financiers de se payer des employés pour le moment. Son copain s’amuse même à dire « qu’elle a bâti cette entreprise avec un râteau et quelques deux par quatre ».
« Ça me rend fière de voir tout ce que j’ai accompli avec si peu de moyen et je trouve le bonheur quand je vois une assiette composée à 80 % de produits de chez nous. Au fond je fais ce que j’aime en respectant le vivant et le reste se place autour, naturellement. »
- Valérie Bouchard, agricultrice propriétaire du Potager de Valérie
Ce portrait a été rédigé dans le cadre d’un projet porté par le Syndicat des agricultrices du Saguenay-Lac-Saint-Jean.