L’identité alimentaire : une signature unique, un héritage vivant

L’identité alimentaire, c’est l’histoire que raconte une région à travers ses saveurs, ses produits et ses traditions culinaires. C’est bien plus qu’un aliment : c’est une empreinte unique, un reflet de son territoire et de ses habitants. Dans chaque ingrédient, dans chaque recette, se cache une parcelle de culture, une touche de savoir-faire transmis de génération en génération.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, cette identité est profondément ancrée dans une nature boréale majestueuse et dans la diversité de ses quatre terroirs distincts, mais interconnectés. Cette hybridité, où traditions et modernité se croisent, confère notre signature particulière à la région.

Célébrer l’identité alimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, c’est protéger bien plus qu’un aliment.

C’est préserver une culture, des savoirs, et un patrimoine qui nous définissent. Dans un monde où les goûts tendent à s’uniformiser, cette richesse doit être célébrée et transmise.

L’hybridité : la richesse de quatre terroirs interconnectés

La terre : le terroir agropastoral

La terre est liée à un mode de vie agropastoral, c’est-à-dire axé sur l’agriculture et l’élevage. Il y a ici l’évocation d’un passé qui est celui de beaucoup de Québécois, qui ont défriché les territoires pour en tirer des ressources alimentaires. Évidemment, l’agriculture et l’élevage sont de nos jours transformés par l’industrialisation. Pourtant, l’empreinte du mode de vie agropastoral est encore visible dans plusieurs traits sociaux, comme en témoignent par exemple l’importance accordée à la sphère domestique, ou encore la forte présence des femmes dans la vie sociale. Au point de vue des productions et des usages alimentaires, l’empreinte du mode de vie agropastoral est forte au SLSJ. Elle s’associe de manière originale à la localisation boréale de la région comme en témoignent la production céréalière (avoine) et maraîchère (pommes de terre, bleuets et petits fruits) ainsi que les élevages bovins et l’industrie laitière.

La forêt : le terroir forestier boréal

La forêt représente un autre terroir. Un mode de vie bien différent s’y exprime, celui des chasseurs-cueilleurs, qui renvoie d’ailleurs à tout un imaginaire entourant le concept de nordicité : celui des grands espaces sauvages, de la pureté, des forêts tantôt hostiles, tantôt bienveillantes. Cette réalité, il faut le souligner, n’est pas que celle d’un passé disparu. De nombreuses populations vivent encore aujourd’hui de la chasse et de la cueillette, tirant une partie de leur subsistance de ressources qui ne sont pas cultivées, mais prélevées dans la nature. C’est le cas au SLSJ. Le mode de vie associé à la forêt est visible particulièrement dans les pratiques de chasse et pêche ainsi que dans la cueillette. Ce terroir est d’ailleurs revalorisé par plusieurs qui veulent le (re)découvrir, comme en témoigne l’intérêt pour les pratiques des Premières Nations et pour les Produits forestiers non ligneux (PFNL).

L’eau : le terroir lacustre et fluvial

Le terroir lacustre et fluvial est associé au Lac Saint-Jean et à la rivière Saguenay. Ne serait-ce qu’en raison de son gigantisme magnifique, son empreinte sur l’identité est forte. Associé historiquement à la mobilité des populations, ce terroir se situe à la jonction des modes de vie qu’on vient de décrire. Dans sa variété, il permet tout à la fois l’accès à l’eau, essentiel pour le mode de vie agropastoral, l’accès à des ressources issues de la pêche, ainsi que la circulation dans et autour des espaces forestiers. Il est aussi diversifié de façon intrinsèque, car le Lac et le Saguenay constituent des écosystèmes distincts, investis différemment selon les saisons.

La ville : le terroir urbain

Il peut sembler surprenant de faire des milieux urbains un terroir de plein droit, puisqu’on associe souvent le terroir à la production de ressources en nature. Mais puisqu’un terroir est caractérisé non seulement par des ressources, mais également par des pratiques culturelles, on peut admettre que les villes se qualifient à ce titre. Les villes offrent une sociabilité qui va au-delà du cercle de la famille élargie. Ce sont aussi des lieux de contacts interculturels et de circulation, et on y retrouve des ingrédients et des influences culinaires venus d’ailleurs. Elles sont enfin des lieux où l’autosuffisance est impossible et où l’économie est donc intrinsèquement liée aux pratiques alimentaires.

Circuler d’un terroir à l’autre : une identité hybride

Dans plusieurs régions du Québec, l’identité alimentaire résulte de prédominances relativement nettes d’un écosystème et d’un mode de vie.
Toutefois, le SLSJ est sans doute l’une des régions où une telle hybridité se démarque. Ici, il est tout à fait normal de circuler d’un terroir à l’autre, de vivre au quotidien une coexistence et un mélange de modes de vie. C’est ce que nous avons appelé la « transterroirité » : l’identité alimentaire est plurielle et composite. Une agricultrice peut être une fervente pêcheuse sur la glace; un urbain peut aller chasser l’orignal en forêt. Il n’y a pas là de contradiction, mais une richesse qui est un caractère distinctif de l’identité alimentaire du SLSJ.

Des trésors emblématiques au cœur de notre identité

Les sujets explorés ont été sélectionnés avec soin. Ils reflètent les résultats des sondages et des consultations réalisés dans la région, qui ont permis de recueillir les perceptions et priorités des producteurs, citoyens et acteurs de l’industrie agroalimentaire.
Ces thèmes incarnent ce que la population identifie comme central à leur patrimoine culinaire : des produits, des pratiques et des traditions qui continuent de marquer la vie quotidienne et les grandes célébrations régionales. Ils représentent une culture vivante, profondément enracinée dans la diversité des terroirs et des interactions sociales, où chaque élément raconte une partie de l’histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Bleuet

À l’origine, le bleuet est associé à la cueillette et à la vie dans la forêt, et c’est donc un aliment emblématique du terroir des chasseurs-cueilleurs. Mais de nos jours, le bleuet « sauvage » est cultivé, il s’est en quelque sorte installé dans le terroir agropastoral. Cela témoigne d’une hybridité fondamentale. De plus, on le cuisine souvent avec les codes d’une cuisine domestique ancrée dans la vie agricole (confitures, tartes, poudings, etc.). Enfin, quand il s’engage dans l’essentielle chaîne de transformation en surgelé, le bleuet s’associe davantage au terroir des milieux urbains. C’est donc un produit qui, dans la variété de ses usages, représente bien l’identité composite du SLSJ. Sa pérennité mérite d’être célébrée de façon authentique et actualisée.

Gourgane

La gourgane représente le mode de vie agropastoral. Le fait qu’elle soit la vedette d’une soupe ancestrale montre son ancrage paysan. Mais justement, cet usage très traditionnel appelle de nouveaux dialogues avec les autres terroirs. Il faut trouver à la gourgane des usages revitalisés, ce qui peut se faire en particulier en la mettant en contact avec le terroir des milieux urbains et avec les recettes et les ressources mondialisées qui y circulent. Les modes de consommation de cette légumineuse pourraient s’en trouver transformés, ce qui n’empêche pas la préservation des usages traditionnels.

Ouananiche

La ouananiche n’est pas disponible dans les circuits commerciaux et sa consommation n’est pas à la portée de tous les mangeurs. Elle a une position symbolique dans l’imaginaire des mangeurs et mangeuses de la région. Elle s’intègre dans le terroir lacustre et plus généralement dans les ressources liées aux plans d’eau, représentant la pêche si essentielle dans l’identité alimentaire du SLSJ. Ce poisson permet ainsi de valoriser une pratique distinctive séculaire.

Tourtière

Contrairement aux autres produits clés, la tourtière n’est pas une ressource brute, mais un mets élaboré, un artefact culturel. La tourtière est un mets intégrateur par excellence, qui fait coexister les ressources de tous les terroirs. L’enveloppe de pâte, le procédé de cuisson et certains de ses ingrédients (les patates en particulier) appartiennent au monde agricole, mais les viandes ou les poissons qu’elle contient peuvent provenir de l’élevage, de la chasse ou de la pêche. Même le terroir urbain se met de la partie puisque dans les congélateurs des supermarchés du SLSJ, on trouve des sachets de viande et de patates précoupées qui facilitent la confection du mets. C’est cette capacité intégratrice qui rend la tourtière emblématique : elle mélange et hybride des terroirs, des ingrédients, des sociabilités et des imaginaires.

Lire l’article « Il était une fois…la tourtière du Saguenay-Lac-Saint-Jean »

Des pratiques distinctives au cœur de notre identité

La chasse et la pêche

La chasse et la pêche sont des pratiques ancestrales qui façonnent l’identité alimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ces activités, réalisées dans les vastes forêts et sur les lacs et rivières de la région, ne sont pas seulement pour se nourrir il s’agit d’expériences sociales et culturelles. La ouananiche, les poissons de fond et l’orignal sont emblématiques de ces traditions.

Les grandes tablées

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les grandes tablées incarnent une sociabilité unique. Ces repas, souvent festifs, se caractérisent par des plats préparés en grande quantité, comme la tourtière ou la tarte aux bleuets. Souvent associés à des événements comme La Traversée du Lac-Saint-Jean et son célèbre souper dans les rues. Ces repas collectifs célèbrent la convivialité et renforcent les liens sociaux.

La vie de chalet

La vie de chalet au Saguenay–Lac-Saint-Jean transcende les simples vacances ou la villégiature. Elle est un espace de rencontre entre la forêt sauvage et la vie domestique, où l’identité alimentaire hybride de la région s’exprime pleinement. Au chalet, deux terroirs prennent vie tout particulièrement : la forêt boréale et les plans d’eau.

Une invitation à l’exploration

L’identité alimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean est une porte ouverte sur un monde de saveurs et d’histoires. Chaque bouchée est une aventure, chaque plat un hommage à ceux et celles qui ont façonné cette région.

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La démarche derrière l’identité alimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean : un projet de recherche ancré dans la culture locale et la collaboration

Entre janvier et novembre 2024, une vaste démarche de recherche a été entreprise pour définir l’identité alimentaire unique du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les recherches ont été effectuées par Amélie Masson-Labonté historienne culinaire, Geneviève Sicotte professeure au Département d’études françaises de l’Université Concordia dont les recherches portent sur les représentations de la nourriture dans la culture et Florence Gagnon-Brouillet, doctorante et historienne de l’alimentation. Leurs travaux résultent en un portrait riche et détaillé de la relation entre la région et ses pratiques alimentaires.

Un processus participatif

• 175 participants mobilisés : Les recherches ont recueilli les témoignages d’un éventail varié d’acteurs, incluant des producteurs, transformateurs, restaurateurs, détaillants, et citoyens.
• Consultations diversifiées : Des entrevues individuelles, des sondages grand public et des vox pop organisés lors d’événements ont permis de capter les perceptions des habitants et des leaders de l’industrie.
• Exploration des archives : Les chercheurs ont également analysé des travaux antérieurs, des photos historiques et des documents pour enrichir leurs analyses.

Ce projet a été financé par le ministère de l‘Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec dans le cadre de l’initiative ministérielle Proximité.
Il a également bénéficié du soutien financier de Tourisme Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui contribue à valoriser l’identité régionale à travers cette initiative.