Imaginez-vous avoir une centaine d’enfants. Vous en conviendrez : il s’agit là d’un défi colossal. Avec ces trois enfants d’âge rapproché, 150 brebis et 100 agneaux, c’est un peu celui que relève l’agricultrice Lysa Imbeault à la Bergerie Létulip. On vous livre une parcelle de l’histoire de cette gardienne de troupeau.
Quand on demande à Lysa comment elle se décrit, c’est l’adjectif timide qu’elle prononce en premier. Plus on lui parle, plus on comprend qu’il s’agit plutôt d’une force tranquille. Son parcours d’agricultrice entrepreneure est marqué par la passion certes, mais surtout par la persévérance. Élevée sur une ferme d’agneau de Saint-Honoré, elle a toujours mis l’épaule à la roue pour aider aux tâches de l’élevage et avait comme ambition de reprendre, un jour, le patrimoine familial. Admettant que c’est un travail éreintant, son père la poussa plutôt à travailler dans un autre domaine, chose qu’elle tenta pendant plusieurs années sans sentir qu’elle y était sur son « x ». Elle laissa donc tomber et retourna à ces premiers amours en entreprenant une formation en agriculture au Collège d’Alma. Après 15 ans à opérer pour l’entreprise paternelle, mais n’ayant pas l’opportunité de reprendre les reines, elle replia bagage pour aller vivre dans la municipalité de Saint-Prime d’où son conjoint est originaire. Pour rester en contact avec les animaux, elle changea pour une ferme laitière jusqu’à l’arrivée de ces enfants, où elle prit le rôle de mère au foyer : « Parce que des garderies à 5 h 30 du matin, heure du début de journée à la ferme laitière, il n’y en a tout simplement pas! ».
Lors des années où elle demeura à la maison, Lysa buchait sur son plan d’affaires. L’idée de la production ovine y était toujours. En 2020, elle mit officiellement son projet en place. Son petit dernier allait entrer à l’école et il n’était plus question de demeurer à la maison sinon, elle « s’arracherait les cheveux de la tête » déclare-t-elle. ! Une validation du plan d’affaires et beaucoup de détermination plus tard, les bêtes faisaient leur arrivée en décembre, quelques mois après l’entrée de son fils à la maternelle. Aujourd’hui, elle a des parts dans une ferme d’agriculture diversifiée, la Ferme Giroly, et loue une étable sur place pour son propre projet : La Bergerie Létulip.
« Je suis tête de cochon, quand je souhaite quelque chose de tout mon cœur, je persévère. Il y a tellement de gens qui nous ferment des portes ou qui nous poussent à choisir une direction plus payante,, mais ma bergerie, c’était mon rêve et je devais le réaliser. Ça aura pris du temps, mais c’est maintenant chose faite »
Sur la ferme, Lysa est partout à la fois. On la croise autant à s’occuper des animaux qu’à récolter le maïs, conduire le tracteur, debout derrière la caisse du kiosque à la ferme ou en train de faire de la comptabilité. Dans ce métier, « il ne faut pas compter nos heures », mentionne-t-elle. Quitter la ferme pour une fin de semaine représente presque une semaine de préparation pour s’assurer que tout fonctionnera pendant son absence. Elle doit donc limiter ses sorties ou les choisir avec attention. Lors des journées agnelages (naissance des agneaux), elle peut travailler de 5 h 30 le matin à minuit le soir puisqu’elle souhaite assister, dans la mesure du possible, à chacune des naissances.
« Être entouré de ma famille et faire ce que j’aime, c’est ça ma paie. Je traite aussi mes bêtes comme mes bébés, ils demandent d’ailleurs presque autant de soins que mes propres enfants donc, ça fait une très grosse famille. »
Ses trois enfants, âgés respectivement de 8, 9 et 11 ans, participent à leur façon sur le terrain. Chacun a son projet et doit s’en occuper. Par exemple, l’un s’occupe des poules pondeuses et l’autre d’une serre à tomates. À travers ces projets, Lysa leur apprend des notions d’entrepreneuriat et la valeur du travail agricole.
« J’aime transmettre ma passion, j’ai d’ailleurs en tête de proposer des activités agrotouristiques à des groupes de jeunes de façon ponctuelle. »
Dès l’automne, vous pourrez vous procurer de l’agneau en pièce, en carcasse et même éventuellement en mets préparés. Cela permettra aux citoyens de déguster cette viande de qualité sans avoir à se tracasser, et ça permet à l’agricultrice de démocratiser ce produit carné moins consommé au Québec.
Ce portrait a été rédigé dans le cadre d’un projet porté par le Syndicat des agricultrices du Saguenay-Lac-Saint-Jean.